Quand on intègre enfin que l’incarnation n’est pas l’état de plénitude ultime de la Conscience, qu’elle est limitée, autant dans le temps que dans les possibilités de communion au Principe, on cesse sans doute de s’inquiéter autant pour sa propre mort et pour celle d’autrui. On croit tous savoir qu’on est mortels, mais :
- d’une part on se croit mortel parce qu’on s’imagine à tort n’être que notre corps…
- d’autre part, il semble qu’on préfère ne pas y penser. Du coup, on n’intègre pas vraiment cette donnée (même si elle est en partie fausse), faisant comme si l’incarnation devait durer toujours…
Le sujet de la mort est donc en grande partie tabou, par la plupart d’entre nous, à qui cela fait peur.
L’Eternité c’est très long…
(“surtout vers la fin :-)”, aurait ajouté malicieusement Woody Allen.
Quand on réalise que l’Eternité n’a jamais ni commencé ni cessé, et que nous y sommes de plain pied en ce moment même, que l’instant d’avant et l’instant d’après ne sont que des imaginaires du Mental, tandis que seul existe dans notre expérience l’instant présent (ce dernier étant finalement une projection de l’instant perpétuel), on se détend sans doute profondément par rapport à nos misérables soucis (qu’il s’agisse de regrets par rapport au passé, d’espoirs ou de craintes par rapport au futur).
Ouvrons rapidement une parenthèse métaphysique pour les Artistes Forgerons :
Dans le regard d’Oméga (Instant perpétuel, en dehors du temps mental, puisque situé dans le plan Causal), il y a :
- sa propre projection dans son Cône de vision : Instant présent, à l’aplomb vertical de la pointe du Cône
- un halo mental, diffusant autour de l’instant présent une sorte d’illusion perceptive d’un instant précédent et d’un instant suivant.
On sait bien que le Mental plaque par-dessus la Réalité expérimentée sans son intermédiaire, une interprétation dualitaire. C’est son rôle et c’est précisément de là qu’il tire son utilité. Mais, c’est aussi à cause de cela, que nous sommes induits en erreur, tant qu’on n’est pas suffisamment libéré de son emprise hégémonique.
Heureusement, au fur et à mesure que l’initiation opère une clarification progressive dans la Conscience, les fonctions du Mental ne disparaissent pas pour autant. Cependant, elles cessent partiellement de nous fasciner et de nous faire croire dur comme fer aux interprétations qui prétendraient s’interposer entre nous et l’expérience directe.
Ainsi, au lieu de laisser le halo de confusion embrouiller notre Conscience, nous maintenons notre attention comme focalisée sur le centre de perception, reliant ainsi nos deux polarités intimes :
- l’origine du regard, en amont de toute expérience
- la cible (ou l’objet) du regard, qui n’est qu’un miroir au sein de la dualité de l’Unité dont elle n’est qu’une forme de projection
Nota : le regard, ce lien qui réunit origine et cible, est une résultante de cette projection de soi (l’origine) hors de soi (la cible). C’est grâce à ce lien, aussi appelé le Saint-Esprit, que l’on Réalise notre Unité. Dès lors, on voit clairement qu’il n’y a jamais eu de “hors de Soi”, puisque Tout est Soi (voir à ce sujet notre article sur Ellam Onru)
Fin de la parenthèse métaphysique.
Les 3 grandes épreuves de la Vie
Tous les problèmes mentaux sont de trois ordres. K.G. Dürkheim, synthétisant probablement des enseignements traditionnels du bouddhisme zen, met en évidence très essentiellement que l’humain est aux prises avec 3 illusions mentales, générant l’ensemble de ses souffrances :
- Colère contre l’absurde (ou l’injuste)
- Tristesse face au Sentiment d’abandon (ou de séparation, solitude)
- Peur de disparaître (de perdre ou de se sentir diminuer)
On voit bien que les trois émotions se ramènent in fine à la première :
- L’absurde renvoie au chaos (opposé de l’ordre et du sens), qui induit la disparition de la conscience et de l’être. Derrière la révolte contre le non-sens, il y a donc la peur de disparaître.
- La séparation renvoie à l’insupportable finitude, qui est en contradiction totale avec notre nature essentielle qui ne connaît pas de limite. Croire en la séparation, c’est se renier soi-même, donnant l’impression vertigineuse d’être en danger, débouchant sur la perspective d’une inexorable disparition. La tristesse de la séparation, s’adosse donc elle aussi à la peur de disparaître soi-même. Reconnaître la finitude d’autrui, c’est par la même, reconnaître la nôtre, tant qu’on se prend à tort pour notre corps.
- Et la peur psychologique de disparaître, s’appuie elle-même sur une peur instinctive et saine, indépendante de toute élaboration mentale : les cellules du Vivant sont programmées pour rechercher la survie. Elles ont donc une peur réflexe de disparaître. Les raisonnements mentaux n’ont aucune influence sur la pulsion de vie du corps. Cette peur instinctive n’est pas une création du mental, mais une force vitale qu’il convient d’angéliser, en la baignant de conscience… (voir à ce propos, notre article sur les Ténèbres incréées)
Se départir de l’illusion
Il convient de voir tout cela très simplement et très clairement, pour s’émanciper de l’emprise de l’illusion.
Car, plus on s’agite au sein de cette dernière, plus le mental s’y entortille comme dans une toile d’araignée, tissée de fausses croyances qui confortent notre cadre de référence erroné, le consolidant et le rigidifiant à travers toutes sortes de biais cognitifs trompeurs, dont il est presque impossible ensuite de se défaire sans l’intervention “extérieure” de la Lumière du Sentier.
Cette dernière nous touche à la fois par l’enseignement initiatique, et par les épreuves qualifiées qui l’accompagnent heureusement, amenant ainsi progressivement l’apprenti à cheminer vers plus de lucidité :
- L’enseignement initiatique est souvent présenté par quelqu’un, qu’il est de coutume d’appeler “maître”, même si ce dernier réfute cette appellation trompeuse, pour ne pas entretenir la dépendance envers lui, chez ceux qui aspirent à la libération. Cet “Enseigneur” est évidemment beaucoup aimé de ses élèves. Donc cette relation d’exception est ainsi doublement porteuse d’éveil (non seulement par le contenu des échanges, mais aussi par la relation, empreinte d’Amour Libre et radieux, qui pointe vers l’Intemporel)
- Parmi les épreuves, le deuil est la plus dure, car elle touche au plus profond de nos fausses attaches, comme nous venons de le voir à propos des 3 grandes épreuves de la Vie.
Pourquoi pleurer nos morts ?
Il est normal et sain d’être saisi de sidération, et de peine, quand on apprend le décès d’un proche. Un temps incontournable de deuil étreint la Conscience : autant celle du mort et que celle des vivants, pour décanter le halo émotionnel, et faire le point sur la focale précédemment évoquée (au centre du disque de projection dans notre schéma précédent).
Alors, peu à peu, la peine laisse place à la Joie : la Joie d’Etre et d’Aimer.
- Il s’agit bien sûr de l’Amour du cher “disparu”, dont la Présence, ayant changé de plan de manifestation, nous manque cruellement. Au début, on cherche le contact avec l’autre, sous la forme dont on avait l’habitude, et le coeur se serre face à l’illusion perceptive de la séparation et de la solitude. Mais peu à peu, comme on l’a dit, s’il y a initiation dans l’être, la vérité transparaît à travers la turpitude mentale progressivement décantée.
- Alors on se rend compte que l’Amour pour l’Autrui ne fait que Révéler l’Amour que nous sommes, depuis toujours et à jamais et indépendamment de l’être aimé. Dès lors, cet Amour n’étant plus confondu avec son objet, ne nous quitte plus (en fait il ne peut nous quitter, puisque c’est nous-même. Mais la conscience confuse a l’impression que cet état n’est disponible qu’en présence de l’être aimé, qui semble en effet avoir le don de le révéler, sans doute à partir de correspondances naturelles mises en résonance). On finit par apprendre à éveiller cet état intime en Soi, sans besoin du support d’autrui. Et l’état d’Amour rayonne de lui-même, sans objet, ne se perdant plus désormais dans les confusions émotionnelles précitées.
“Mignonne allons voir si la Rose…”
Pleurer est nécessaire. Pleurer est respectable.
Mais s’enfoncer dans la tristesse au-delà du nécessaire, représente une dérive mentale vers la maladie.
Cela me fait penser au célèbre poème de Ronsard, s’évertuant à raisonner une jeune veuve, dont il semble être épris et s’impatienter de sa période de deuil, laquelle lui parait sans doute déraisonnablement longue, au regard de ses propres ardeurs 🙂
Pour ma part, j’aime à penser qu’un humain malicieux pourrait bien recourir artistiquement au prétexte d’une relation de séduction pour, l’air de rien, en appeler ses lecteurs à la Conscience, comme le muezzin appelle les fidèles à la prière du haut de son minaret… mieux que de sottement vouloir séduire une ingénue avec des poésies qu’elle ne lira peut-être même pas :-).
Pour en revenir à la nécromancie…
S’accrocher à l’illusion, vouloir revenir en arrière à travers des contacts nécromantiques (tirés par les cheveux et qui coûtent un prix exorbitant en “Vif-argent”) est une erreur douloureuse, qui enfonce davantage l’être dans la confusion, tout en lui donnant l’illusion d’un réconfort et le faux espoir de maintien du contact.
La plupart des cas, on ne reçoit sans doute que l’écho de notre médiumnité personnelle, et non pas les réponses du cher disparu.
Pour que cela soit possible, il faudrait en effet des conditions de Haute Science, relativement peu connues et rarement réunies. D’ailleurs, si elles l’étaient, cela prouverait l’initiation profonde de l’être, qui dès lors ne perdrait probablement pas son temps dans une démarche aussi anachronique. En effet, pourquoi vouloir “se parler comme avant”, alors qu’on peut “se connecter comme maintenant”, beaucoup plus profondément et authentiquement ?
L’Initié vit dans le présent de la Vie (qui se présente toujours “maintenant”), au lieu de se perdre dans le halo du passé ou de l’avenir. Hormis des Raisons exceptionnelles de Travail de Théurgie, en Alliance avec un Egrégore, les Evocations et autres Sabbats ne devraient pas être tentés par des personnes en proie au désespoir ou à la tristesse. Elles n’y trouveraient aucune réussite, mais au contraire beaucoup de tourments supplémentaires, dont elles n’avaient certes pas besoin, dans l’état de confusion où leur peine les plaçait déjà.
Il est plus raisonnable d’admettre que dorénavant le contact est intime, et non plus extérieur (encore que dans une perspective non duelle, ces notions d’extérieur et d’intérieur soient très “relatives”).
Et la bonne nouvelle, c’est que cette relation est Eternelle et complète, alors que précédemment, elle était malgré tout entachée de nos égoïsmes et alourdie de nos limitations mentales.
Bref, on finit toujours par se relever, après avoir probablement flanché momentanément. Et la vie continue, plus belle et plus forte, illuminée de l’intérieur par cette Alliance cristalline Révélée (et dorénavant toujours disponible).
L’être aimé n’a évidemment pas disparu.
Personne ne disparaît, jamais !
- Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, non seulement l’Etre aimé n’a pas “disparu”, mais il est mieux présent qu’avant.
- Non seulement, nous-même ne disparaissons pas dans ce tourbillon de désespoir qui d’abord prétendait nous emmener vers le fond, mais au contraire, nous en revenons conscients de notre nature profonde, qui est Amour. Et cet Amour rayonne dorénavant, sans besoin du support concret de l’autre. Et il n’est plus non plus exclusivement focalisé vers cet autre, comme peut-être comme c’est parfois le cas dans les grandes passions amoureuses. Il est en effet disponible à 360°, envers tout et tous… C’est dorénavant un Amour de la Vie elle-même, qui inclut évidemment l’Amour de l’être aimé, mais d’une manière “dépassionnée” (il y reste toujours la même générosité, mais elle n’est plus dorénavant empreinte d’attaches affectives, jouissant alors d’une ardeur renouvelée par cette purification par le feu de la mort).
“Aime ton Dieu avant toutes choses,
…et ton prochain comme toi-même !”
C’est le suprême et sublime commandement non duel du Christ, unissant le Tout, et ses parties.
Oui, “je suis”, et j’aime :
- Oui, j’Aime Dieu, le Tout qu’englobe la Conscience, tandis qu’elle reconnait son identité avec Lui.
- Oui, j’aime autrui, sans en être “amoureux” au sens habituel de “passion possessive”, mais avec respect et gratuité, sans attente, sans demande, “sans peur et sans reproche”…
- Et oui, évidemment j’aime la Vie que je suis, et qui s’écoule à travers ce corps sacré (comme l’est la Matière, en tant que concrétisation de l’Esprit)
Dès lors, je reconnais que chaque être vivant (élémental ou élémentaire, visible ou invisible dans les 4 Règnes minéral, végétal, animal, homo sapiens) est une cellule de la conscience de l’Unité, projetée dans l’infinie diversité des formes.
Il en résulte une attitude de paix et de lucidité :
- Aucune compétition, aucune crainte ou jalousie, aucune spéculation ni manipulation, tellement absurdes…
- Aucune illusion non plus quant à l’égoïsme des humains, dont l’ignorance leur fait commettre les pires atrocités en toute inconscience. Ne convient-il pas d’être “pur comme la colombe et prudent comme des serpents”, avait dit Jésus à ses disciples (Matthieu 10.16) en les envoyant prêcher la bonne parole ?
- Et aucune naïveté non plus quant à la férocité des fauves de la forêt, qui sont naturellement fondés à lutter toujours se nourrir et défendre leur territoire, ainsi que leur progéniture. Ils sont tous programmés pour craindre l’homme. Cela dit, les exemples ne manquent pas dans l’histoire de toutes les traditions de ces êtres emplis d’amour que les fauves respectaient au lieu de les dévorer (voir par exemple : la légende” de Saint François et du loup)
Dédié à Feu mon Ami Jean-Claude et à sa digne compagne, provisoirement chacun d’un côté du Miroir, mais expérimentant encore ensemble la Vérité de la Relation, sainement et naturellement, au-delà des formes désormais obsolètes…