L’importance du corps sur le Sentier

On a trop tendance à séparer l’esprit du corps. Les religions l’ont même parfois même diabolisé (voir cet article pour distinguer Spiritualité et religion).

Symboliquement, le corps est féminin par rapport à l’esprit. Malheureusement, il n’en faut pas davantage à une société machiste pour mépriser le corps.

Cependant, nous allons expliquer pourquoi il est central dans toute démarche initiatique véritable.

L’erreur culturelle majeure

A l’évidence, Vital et Mental forment un complexe indissociable, et bannir l’un consiste à se priver de l’autre.

Le corps et sa vitalité ne sont pas des obstacles à la spiritualité mais son appui et carburant.

Cependant, une vision manichéenne et dualiste des religions judéo-chrétiennes très répandue présente un Dieu symboliquement « positif », perché dans les Cieux, et une créature « coupable » – donc symboliquement « négative »- , obligée d’expier sur Terre une pseudo « faute », pour mériter un paradis sous menace d’enfer si elle n’est pas « obéissante »… On y assimile le corps à la matière lourde, qui entrave la progression de l’Esprit vers l’Unité. Le corps est ainsi la tare, dont enfin on est libéré au moment de quitter cette « vallée de larmes ». Reconnaissons que de telles perspectives maussades ne donnent pas très envie de vivre 🙂

La même ségrégation dont est victime le corps, s’applique d’ailleurs aussi au pauvre mental, dès que les gens s’intéressent tant soit peu au développement personnel, parce que ces disciplines sont imprégnées de bouddhisme mal compris. Vous n’êtes pas sans savoir qu’ à travers la Grèce, notre civilisation plonge ses racines dans la métaphysique indienne.Or, l’Inde Traditionnelle, malgré ses yogas très portés sur le corps, a tout de même commis la même erreur dualiste envers le mental, qui serait l’ennemi à vaincre.

Je ne citerai pas ici d’autres courants religieux, parce que ceux-ci ont suffi pour marquer au fer rouge  l’Occident, et surdéterminer ainsi nos réflexes quotidiens à travers notre culture et notre Language.

Ni le corps, ni le mental ne sont des obstacles pour l’Esprit. Au contraire, ce sont tous deux des « aidants de la pierre » comme on dit en Alchimie.

Il y a deux choses à bien voir à propos du mental :

  1. Il ne faut pas plus s’étonner de voir des pensées dans le Mental que de voir des vagues dans la mer, dit un adage du Dzogchen Tibétain. C’est en effet la fonction même du mental que de penser. Il convient néanmoins de calmer l’agitation mentale (les pensées étant comme des petits singes excités, sautant de branche en branche de façon désordonnée), pour permettre à la lucidité d’émerger spontanément quand les pensées sont suffisamment décantées.
  2. Il faut aligner les pensées Mentales (horizontales) sur la Pensée Causale (verticale) – voir cet article : Pensée causale et pensée mentale. L’intelligence du mental purifié doit consister en la reconnaissance de son impuissance à comprendre l’Unité qui le dépasse. Alors, le mental se sachant stupide, devient par là-même en quelque sorte « intelligent ». La bêtise du Mental, c’est son arrogance, tandis que son intelligence, c’est son humilité.

Le corps et le mental sont des alliés de l’Esprit

Tandis que les Religions s’agitaient au-devant de la scène, les courants ésotériques du monde (et notamment ceux du tantrisme du Cachemire ou de la Chrétienté profonde, sans parler du Druidisme qui a toujours subsisté discrètement comme la braise sous les cendres), ont porté discrètement une perspective métaphysique non duelle, où corps et esprit vont de pair.

Le corps y est considéré comme étant à la fois :

  • la projection de l’esprit (son prolongement) dans la Matière
  • le Temple (sacré) de sa « Présence » dans la Matière (au même titre que le Principiel est le Tabernacle de la Présence du Non Manifeste… (voire à ce sujet : Terre Oméga – début de l’Arcane)

Dans cette sensibilité, la Nature est Sacrée, en tant que Création Vierge de Dieu, dont Elle est la Manifestation. Le corps en fait simplement partie (Voir à ce propos cet article sur « le féminin sacré« ).

Il en est peut-être même le chef d’Oeuvre, avec son cerveau développé, au potentiel loin d’être encore complètement exploité.

Il n’y a plus ici à combattre et vaincre le mental, ou à terrasser le corps, les deux étant des Serviteurs de l’Esprit.

Voyez cette représentation de Saint Michel qui tient le dragon en respect sous ses pieds, mais sans expression de haine féroce sur le visage et sans le tuer. Il y a bien un antagonisme entre l’Ange et le Démon, comme entre Yang et Yin, mais les deux sont indissociables et se complètent mutuellement, pour constituer l’Unité radieuse.

Comme le dit Jacques Breyer, les Daïmons, il faut les canaliser, les orienter, et les dominer : pas les détruire, sous peine sinon de se détruire soi-même !

« Un Cabaliste Pratiquant, se veut nécessairement capable : de lever des Courants et d’établir des Ecrans de Protection, surtout dans les échos repérés sinon provoqués ; or, pour Forger le Positif et le Négatif (le Glaive et la Baguette) de pareille Citadelle, l’Adepte est préalablement contraint : de canaliser dans son Entité Elémentaire, ses Elémentaux personnels comme autant de Serviteurs obligés ainsi de lui obéir, au lieu de le submerger. (Il ne s’agit donc pas, là, de poignarder nos Daïmons dont nous sommes l’Ange, mais de les dresser, les « Angéliser », après les avoir dénoués. — Je précise que ces Forces Naturelles, distribuées en nous-mêmes et auxquelles je reviendrai, n’ont rien de commun avec les larves de toutes espèces dont il fut question à la page 31.

— Nos Elémentaux, soufres noirs de nos Plexus en liaison avec les Règnes et les Eléments, sont un Arbre de Vie à réveiller en nous… voir second décor dans « Oubah », en attendant que « l’Arbre du Thot » nous les présente au chapitre III de « Terre-Oméga »).

— L’Ascèse Majeure (pour nous Réaliser en Vérité) se tient dans le respect (donc l’observance personnelle) de la Loi d’Equilibre, ou Signe le plus expressif de la Grandeur de Dieu.

Dès lors, mieux que de s’évertuer à se fustiger, à immoler ses Daïmons pour n’être plus qu’un Sépulcre blanchi au visage fiévreux faussement Illuminé, un Temple vide se croyant Sublimé, l’Initié authentique vit Midi sa Porte, en fonction de son individu, de son âge, du climat, etc… car en toutes choses, cet Homme là ne Cultive : qu’un Equilibre permanent, tiré de la Conciliation des Forces au très subtil déplacement.

… Cette Ascèse, réclamant un fréquent nettoyage sans pitié de la Personnalité, nous astreint à bannir les excès, à observer l’esthétique, à balayer les Reflets, à oser nos propres Clefs… cependant que la Persévérance dans la Méditation, demeure ici pour quiconque : la Base de l’Edifice, sans laquelle le Rayon espéré, seul capable de Révéler le Reste, ne pourrait jamais venir nous Visiter aussi facilement et aussi bien, qu’en le prédisposant à Descendre par ce noble Moyen.

Jacques Breyer – Terre Oméga page 133

Le corps est en quelque sorte l’ourlet de l’Esprit, le « front avancé de la création de Dieu » (comme le disent Esther et Jerry Hicks à propos de la loi d’attraction).

C’est précisément là que se déroule l’Action !

Ce n’est pas le moment de s’évader dans des Ascèses à la Lettre, qui méprisent et maltraitent le corps.  Au contraire, c’est d’abord dans le corps que Dieu s’exprime au plus près de la conscience individuelle.

Depuis Toujours et à Jamais, Dieu désire ce corps et cette expérience incarnatoire, ne serait-ce que pour mieux Saisir son Unité, à travers la multiplicité de ses cellules de conscience individualisées. L’Unité aime la Dualité, qu’Elle Crée en Elle-même de toutes pièces, si j’ose dire, afin d’être encore mieux l’Unité Accomplie à travers le Jeu d’Ouroboros.

Dans le schéma ci-dessous, L’Ether représente l’Unité alpha, ce paradis perdu de la Bible.

Et l’Humain conscient Révélé, qui se tient en face à l’autre bout du serpent, représente l’accès Conscient à l’Unité retrouvée après le voyage d’Ulysse dans les explorations de la Dualité.

Au terme du périple de l’incarnation, le corps fatigué a permis d’Alchimier une Âme, ce Corps Glorieux, qui nimbera l’Esprit, comme une couronne vient souligner la Maîtrise d’un Elu (voir à propos de l’âme : Qu’est-ce que l’âme ?).

Dès le matin, honorer le corps

D’une manière générale, l’Occidental prend aussi peu soin de son corps, qu’il prend soin de sa planète !

Tout est fait pour le paraître de l’ego, au mépris des élans naturels du corps (Voir à ce propos : « L’appel de la nature nous connecte à l’Unité de l’être profond »).

Au réveil matinal, alors que le corps s’éveille et que la conscience de veille reprend contact avec le monde relatif à travers l’expérience incarnatoire, il est naturel d’explorer de l’intérieur les sensations de l’énergie circulant à travers le corps.

Ce n’est pas un fardeau que l’on reprend sur ses épaules en se levant, c’est une Grâce (comprenant diverses limitations bien sûr, et quelques douleurs éventuellement) qu’il nous est donné d’explorer pour densifier notre Âme, à travers cette Alchimie de la Conscience. Et cela commence immédiatement au réveil. Au lieu de se livrer à cette écoute sacrée du corps, on se précipite souvent sur l’activité de la journée, reprenant immédiatement le costume de notre personnalité.

C’est vraiment important sur le Sentier de ne pas faire cela, mais de prendre le temps de s’étirer, de respirer, de méditer, pour observer et ressentir…

Laisser remonter les rêves de la nuit, capter les inspirations du jour, laisser l’âme s’élancer vers l’Unité, avant de se jeter dans les bras de la Dualité pour faire face aux engagements du quotidiens. Ainsi préparé, on pourra garder contact avec l’Unité même au travers des épreuves du jour. Et cet exercice de maintien de notre identité profonde (ce fameux « Je suis« ) forgera notre âme, ce qui est précisément le but des épreuves de la vie.

Que penser de l’ego ?

Nous l’avons déjà exposé, dans cet article : « Qu’est-ce que l’ego ?« , l’ego n’est qu’un jeu de la conscience-Oméga au temps II, se visualisant en XY lorsqu’elle dirige son attention vers le centre de la Sphère, au lieu de se voir au Miroir pur d’Alpha au Temps I (à cause de la présence de l’Azote, qu’on retrouve dans notre psychisme dans notre propension à séparer et comparer).

Pas plus que le corps ou le mental, l’ego n’est donc pas non plus un « ennemi » à vaincre. Tout au plus une illusion perceptive, une erreur d’appréciation, de « Soi » se prenant pour « moi ». Ce n’est pas bien grave ni méchant, c’est même sain et naturel au début de la vie et du Sentier de commettre cette confusion. La vie profane construit un ego, dont l’initiation aide à se déprendre. C’est ainsi tout l’objet de la Quête de démasquer cette méprise, grâce au corps, qui lui n’est ni une illusion (même s’il est éphémère), ni une erreur d’appréciation (contrairement à l’ego).

Ne pas confondre Satan et le Diable

On a raison d’assimiler :

  • Le corps à Satan (Satan n’est autre que l’Entité des courants vitaux de la nature vierge, présents dans le corps et autour de lui). Il ne faut pas le diaboliser comme l’ont fait les religions enfantines, qui confondent tout, à la fois par ignorance et à des fins manipulatrices.
    • Satan est certes puissant, mais sans « malice ». Pas plus de malice qu’un animal aux prises avec ses instincts : il y a de la force farouche, mais pas d’intention malveillante. Le « malin » des Religions, ce n’est pas Satan. Et ses tentations naturelles sont nobles. Les instincts du corps ne sont pas à redouter, mais à « Angéliser » comme le suggère Jacques Breyer dans le texte cité plus haut. Les pulsions corporelles sont comme autant d’invitations à la densification de la conscience. Il faut les honorer, dans l’équilibre et la maîtrise, au risque sinon d’être submergé par leurs force. Mais c’est une chose accessible, avec un peu de sensibilité et d’amour. Thomas d’Aquin ne disait-il pas à ce propos : « Satan se justifie parce que Dieu veut en faire » ?
  • L’ego au diable. Même si le Diable n’est certes pas directement une Création de Dieu, c’est tout de même une invention de l’humain, Ténèbres Incréées, dont l’existence larvaire s’est densifiée à travers des générations de fausses croyances, créant ainsi un gigantesque agglomérat d’énergie erronée et malfaisante. Comme son étymologie le suggère, le Di-able divise, comme le Mental nous donne l’illusion d’un ego séparé.
    • Cette énergie est relativement individualisée, tout comme le sont relativement aussi ses auteurs humains, à la conscience endormie et obscurcie par l’illusion. Bien que dépourvue d’existence par elle-même, elle détourne tout de même à son profit l’énergie du corps, au détriment de l’Esprit et de l’Âme (d’où l’assimilation erronée de Satan au Diable). C’est une sorte de vampirisme collectif : cette énergie de l’ego collectif densifié « tuerait père et mère » pour se maintenir, coûte que coûte. C’est la raison pour laquelle elle nie Dieu le Père et la Nature, comme on voit aujourd’hui la science matérialiste, prostituée pour de l’argent, ignorer l’esprit et contribuer à massacrer la planète. D’où les images mythiques des armées Angéliques en lutte contre les armées de démons. Elles traduisent cette dernière Croisade nécessaire pour sauver l’humanité et la planète des décadences industrielles.

L’écologie commence avec le respect de son propre corps

Comme le dit Confucius : « Qui ne sait se gouverner soi-même, comment pourrait-il gouverner les autres ? »

  • A quoi bon vouloir changer le monde extérieur, si on ne commence pas par changer son propre monde intérieur ?
  • A quoi bon vouloir sauver la planète, si on ne commence pas déjà par respecter son propre corps ?

L’écologie sincère devrait intégrer l’écologie de l’esprit, et celle du corps, et ne pas se limiter à des préoccupations angoissées à propos de l’avenir collectif extérieur (et diverses récupérations politiques, aussi dérisoires que sordides étant donnés les enjeux).

Cultiver les Arts

Les Arts Traditionnels sont un accès privilégié à la conscience. Qu’il s’agisse de jouer d’un instrument, d’exécuter des mouvements ou des postures, de peindre ou de sculpter, etc… tout repose toujours sur la maîtrise du corps.

Dans d’autres articles, nous avons évoqué Les bienfaits du Qi Gong. Ce n’est là qu’un exemple de pratique ordinaire, permettant de se mettre à l’écoute de Dieu à travers du corps. Dans leur acception la plus haute, ces Arts majeurs ne sont pas une misérable pratiques de santé, mais une discipline qui ouvre sur la profondeur de l’être.

Ainsi, comme le dit Eric Baret, c’est presque dommage que le yoga fasse autant de bien à la santé, parce que du coup on l’instrumentalise pour avoir moins mal au dos, (ou pour obtenir un éveil spirituel, comme si l’éveil était un objet à conquérir, à travers une voie linéaire et progressive), et on passe à côté de sa finalité première qui est de célébrer l’éveil déjà présent, ici et maintenant. Ces arts traditionnels, qui, sont chevillés au corps, visent toujours à révéler le mystère de l’Eternité toujours présente (voir à ce sujet notre article sur « L’illusion du Temps« ).