La Peur de la mort est absolument naturelle, parce qu’elle est une réaction instinctive du corps, conçu pour survivre, et donc éviter ce qui risquerait de le faire disparaître prématurément.
Pour autant il est d’autres sortes de peur de la mort, si l’on peut dire, qui ne sont pas naturelles, et non fondées.
La peur de vivre est la 1ère forme de peur de la mort
La peur de la vie se cache souvent derrière la peur de la mort. Pour certains qui n’ont pas peur de la mort en tant qu’évènement (et qui l’accueilleraient presque volontiers comme un soulagement), c’est de la vie qu’ils ont peur. Mais en fait c’est la même chose. Ils ont peur de vivre, de peur que cette vie les déçoive et… qu’ils en meurent !
En fait, si on vit intensément, chaque instant, il n’y a pas d’espace dans l’expérience pour une quelconque peur, à part éventuellement celle dont on a déjà parlée, en tant que manifestation naturelle de l’instinct de survie.
Il y a deux sortes de « trompe-la-mort », qui risquent leur vie à tout bout de champ à travers :
- des comportements addictifs dangereux ;
- ou des activités sportives extrêmes.
Les premiers sont des personnes désespérées qui se suicident à petit feu. Ils se rapprochent de la mort, par dépit de leur vie qui leur semble insuffisamment stimulante sans adjuvants. Et éventuellement par fascination pour la disparition. En cela, ils rejoignent un peu la pulsion des personnes fascinées par les ténèbres, les tabous, le côté sombre de la marginalité (et éventuellement le « mal » comme dans le cas de la magie noire).
Les seconds sont des personnes qui ont besoin d’intensité pour se sentir en vie, et la recherchent au péril de leur vie.
Les deux se rejoignent dans une certaine insatisfaction par rapport à une vie trop ordinaire, et sont en queste de sensations fortes pour se sentir exister. On pourrait dire qu’ils ont peur de ne pas vivre, alors ils s’engagent vers l’extrême pour explorer leurs limites, espérant y trouver leur centre.
Le problème avec cela, c’est que le centre est justement au centre et pas en périphérie. Ce n’est donc pas en restant au bord de soi-même, qu’on trouve son centre. Donc au mieux, en flirtant avec les limites, on peut rebondir fortement vers le centre. Mais ce n’est ni le chemin le plus simple ni le plus « juste ». Cela dit, « Tous les chemins mènent à Rome ! ». Le tout est d’y parvenir…
Une légitime peur de mourir
Il est logique d’avoir peur de mourir quand on a l’impression de ne pas avoir suffisamment vécu sa vie. Il nous reste un goût de trop peu, une sensation d’inachevé. Que faire en ce cas, si ce n’est vivre. En osant être soi-même. Et en appréciant chaque instant comme un seul et même instant, qui s’étire sans durée. Il y a dans ce cas comme une urgence à vivre, un empressement à goûter à l’existence…
Egalement, on peut s’imaginer des responsabilités vis-à-vis d’autrui, qui font qu’on aurait peur de disparaître avant d’avoir pu faire tout son possible et accomplir sa mission. Pour nos enfants par exemple, c’est tout-à-fait naturel.
Pour autant, on peut faire attention à sa vie, parce qu’on y tient, mais sans pour autant nourrir de peur de la mort. Ma foi, quand celle-ci surviendra, qu’on ait fini ou non ce qui était entrepris, il suffira de se laisser glisser et c’est tout. Le travail devra être terminé par d’autres, et c’est tout. Et puis la vie continuera bien sans nous… Enfin, rien n’interdit de penser qu’on pourra continuer tout de même à oeuvrer depuis l’autre dimension. Mais encore faut-il croire en la survie spirituelle après la mort...
Eh bien justement, la peur de la mort peut venir aussi d’un manque de lucidité sur notre condition, d’un manque d’expérience de la profondeur de la vie, seule capable de donner les clés pour comprendre la mort. Cela peut, en effet, être paniquant de ne rien comprendre à la vie, au point de la croire dépourvue de sens et de spiritualité. Cela n’empêche pas d’en « profiter » (ouh, le vilain mot !) et d’aimer, mais comment être pleinement en paix dans ces conditions, comment être profondément heureux, avec cette notion d’une vie « absurde », sans suite, exclusivement matérielle et mue par le hasard, sans but !…
D’où vient la peur de la mort ?
Le peur de la mort vient évidemment de l’identification à l’ego (Pour aller plus loin au sujet de l’ego, voir cet article : « Qu’est-ce que l’ego ?« ).
L’ego est un mouvement de fermeture de la conscience, d’appropriation des contenus du mental, de restriction du Soi Universel à un petit moi séparé et limité.
- Donc, évidemment, quand on se prend pour son ego, on se croit limité, périssable et donc en danger.
L’ego n’est pas une entité qui existe, mais seulement une pensée à propos de Soi : une simple croyance finalement. L’ego est donc « vide ».
- Donc, évidemment quand on s’identifie à quelque chose de vide, on se sent vide, et on cherche désespérément à se remplir l’intérieur vide avec du plein de l’extérieur (et tout est bon pour tenter en vain de calmer cette sensation fausse de vide : les relations, les activités, les pensées, les savoirs, les consommations, tout !). On comprend bien que de là jaillit une souffrance intense, pour deux raisons qui s’ajoutent et se renforcent :
- on ne peut remplir un vide qui en fait est plein : il n’y a pas de place pour y ajouter quoi que ce soit !
- les choses extérieures, soit-disant pleines, sont en fait vides. Donc on ne peut remplir quoi que ce soit avec du vide !
L’ego étant limité, on se prend pour un être limité et séparé. Donc on a peur. Et en particulier, on a peur de disparaître, de se perdre, de se sentir diminuer (déjà qu’on est peu de choses 🙂 !)
En résumé, si l’instinct de survie vient du corps (et n’est pas un problème), la peur irrationnelle de la mort vient de la croyance en l’ego (cette croyance est un problème sans solution. Cette peur est donc sans fin, du moins tant qu’on se prendra pour l’ego…).
Dépasser la peur de la mort
Dès lors qu’on envisage un « plus grand que soi, au coeur de soi » (même dans le cas où il ne s’agirait que de croyances religieuses superficiellement intégrées), cette simple perspective suffit déjà à ouvrir à une dimension plus vaste dans laquelle renoncer à l’ego (par exemple, dans la prière que Jésus a léguée, il est dit : « Que Ta Volonté soit faite, et non la mienne » : c’est une abdication de l’ego).
Une expérience de transcendance, lors d’un accident ou d’une maladie peut aussi faire toucher du doigt que nous sommes beaucoup plus vaste que le petit personnage pour lequel on se prend.
Mais évidemment, si l’on mène une investigation sérieuse, une réflexion métaphysique doublée d’une introspection profonde, on voit clair dans le processus erroné d’identification restrictive à l’ego. On voit que l’ego n’est qu’un reflet du rayon de conscience, et peu à peu celui-ci devient en quelque sorte « transparent », au fur et à mesure que le mental se purifie au contact des Abstractions Géométriques. (voir cet article : « Symbole et Géométrie sacrée »).
La mort ne fait plus tellement peur (pas davantage que la peur instinctive de souffrir, ou la peur du mental face à l’inconnu). On comprend que la mort n’est pas l’opposé de la vie, parce que celle-ci n’a pas d’opposé. La mort n’est que l’opposée de la naissance. Et la conscience n’est pas limitée à une durée bornée par la naissance et la mort.
On prend conscience que le « Je suis » est hors du Temps (Eternel). Il était avant la naissance et sera encore après la mort. Et pendant la vie, sous les obscurcissements, superficiels et provisoires du mental, la Pure Conscience est toujours là : depuis toujours et à jamais !
La mort est donc un passage important, qui reste évidemment impressionnant (mais pas plus dramatique que la naissance). Elle marque un changement de plan de conscience. Ce n’est pas une disparition totale, même si le corps physique disparaît.
A la limite, la mort est un soulagement, dans la mesure où elle marque la fin d’épreuves parfois très lourdes. Cela dit, dans le cas d’une initiation bien vécue, il y a non seulement une joie intense à vivre, mais également une appréciation des plaisirs liée à un fort appétit d’expérimenter, soutenu par une grosse « vitalité Spirituelle » (si j’ose dire). Les épreuves de la vie sont comprises et assumées, et ne représentent plus un problème.
Il y a dès cette vie, une tranquillité profonde, qui rayonne du fond du coeur. Et chaque instant est compris comme une opportunité de l’explorer et la densifier davantage. On n’est donc pas du tout pressé de mourir, mais on n’en a pas peur non plus. Parce qu’on sait que le niveau de conscience d’après la mort sera encore augmenté, par rapport à celui de maintenant qui est alourdi par le corps et le mental.
En revanche, on comprend aussi que la vie a un sens et qu’elle sert à fortifier la conscience et qu’il n’y a pas une seconde à perdre, pas une goutte d’élixir à gâcher…
Où va-t-on après la mort ?
C’est là une étrange question, presque une question d’enfant, tant elle est simple et naïve.
On ne va nulle part au sens d’un déplacement dans l’espace, parce que la dimension de l’espace fini, comme celle du temps linéaire, sont liées à la dualité et l’incarnation (voir à ce sujet nos deux articles sur le temps : « Métaphysique du temps » et « L’illusion du temps« ). Or à la mort, la conscience « s’élève » (dans le meilleur des cas) dans l’Unité. Et la notion de déplacement est liée la dualité (un lieu, un autre, l’espace qui les sépare, etc…).
Mais, on va dire que « vibratoirement », on entre en résonance avec le plan de conscience auquel on a accès par la qualité spirituelle acquise dans cette vie. On ne disparaît pas, ni en tant que pure conscience, ni même en tant qu’individu. Du moins pas tout de suite :
- D’abord, il y a la partie basse de l’âme (dite « âme noire »), qui subsiste un certain temps, si elle n’a pas été violemment incinérée.
- Ensuite, il y a l’âme blanche et l’esprit qui rayonnent dans l’Unité. L’Entité spirituelle est comme un poisson, comme une eau densifiée, qui reste individualisé dans l’eau sans se refondre à la mer. Elle reste consciente, mais n’a plus les émotions d’avant, qui étaient liées à l’âme noire, dont elle s’est séparée (voir l’article « Qu’est-ce que l’âme ?« )
Nos proches, s’ils ont suffisamment cultivé la conscience pendant leur incarnation pour s’y maintenir individualisés, librement après leur décès corporel, ne ressentent plus de rancoeur, plus de peine, plus de peur. Et ils ne nous protègent pas non plus des tracas du quotidien, comme nous l’espérons d’une manière romantique et irréfléchie.
En effet :
- soit ils sont eux-mêmes très peu matures et ont toujours aussi peu de pouvoir et d’impact que dans leur incarnation. Ils ne peuvent donc pas grand-chose pour nous, et sont probablement enfin occupés à cultiver la conscience en eux-mêmes. Toutefois, par amour, et pour des choses importantes, ils peuvent être auprès de nous, et leur vibration peut être communicative, certainement inspirante et légèrement protectrice…
- soit ils sont évolués, et ils ont compris bien avant de mourir, que les épreuves de la vie sont nécessaires pour se forger. Et qu’il ne faut pas les empêcher, il faut les traverser. Si on peut accompagner nos proches, on ne doit ni ne pouvons leur retirer leurs épreuves. On peut donc ressentir la présence de « nos chers disparus », parfois ou tout le temps, au-delà de nos projections et de nos fantasmes romantiques. Mais c’est très subtil. Et s’il peut y avoir en permanence la présence de leur amour autour de nous, il ne faut peut-être pas s’en imaginer la manifestation sous forme de délicates attentions placées sous chacun de nos pas comme des pétales de rose. C’est réconfortant de l’imaginer, mais ce n’est peut-être pas comme ça que ça marche. Où serait notre libre arbitre ? Où serait la juste « distance » dont on a besoin pour développer l’individualité, dont la conscience a provisoirement besoin dans son cheminement initiatique ?
Après la mort, on ne va nulle part. On quitte partiellement la notion ordinaire d’espace et de temps (mais pas complètement), pour vibrer et rayonner dans le Soi, qui est partout dans l’instant perpétuel. On peut contacter nos Maîtres disparus, avec une bonne raison pour le faire, et avec respect et légèreté :
- il n’est pas raisonnable de tirer les cloches à tout propos, comme quelqu’un qui passerait son temps à tirer les tarots pour un oui ou pour un non, au lieu de penser par lui-même et de prendre ses responsabilités, simplement.
- Il faut « laisser les morts enterrer les morts » et vivre avec les vivants, dit à juste titre la Parole dans l’Evangile (Matthieu 8.22). On a l’Eternité pour être mort. Et pour l’instant, profitons pleinement de la Grâce de pouvoir développer la conscience que nous sommes, au travers de l’expérience de l’Unité dans la Dualité, en vivant simplement notre vie, sans histoires.
S’entraîner à mourir
Je vais partager 4 exemples de situations où l’on peut s’entraîner à mourir à soi-même (si on peut dire).
- La mort est une expiration. Vous rendez votre dernier souffle, celui que vous aviez accueilli pour la première fois dans vos poumons à la naissance du corps. Donc, chaque expiration est une mini mort. On renonce à la plénitude précédemment expérimentée lors de la phase d’inspiration et de rétention poumons pleins, lorsque ceux-ci faisaient ressentir la sensation d’expansion. A chaque expiration et pendant la phase de rétention poumons vides, on peut ainsi renoncer, lâcher, abandonner, tranquillement, humblement. Dire intérieurement « oui » au fait de mourir à tout ce qui avait d’abord été accueilli.
- En marchant, on met un pas l’un devant l’autre. Il y a donc toujours un pied arrière, sur lequel on prend appui pour propulser l’autre pied vers l’avant. Autrement dit, présentement, on prend appui sur le passé (pied arrière) pour s’engager vers le futur (pied avant). Au moment où on décolle du sol le pied arrière, on laisse le passé derrière nous, on meurt en quelque sorte à l’instant d’avant pour entrer délibérément dans l’instant suivant (et tout cela se passe dans l’instant présent 🙂 ). S’entraîner à marcher ainsi, avec cette conscience de prendre appui sur le passé, de le valider, pour ensuite le lâcher, et le laisser derrière soi, est une autre manière de s’entraîner à mourir un peu à chaque pas. Notons que c’est aussi une manière d’être pleinement présent, de s’exercer à naître et à entrer de plein pied dans l’incarnation. C’est une manière de s’enraciner dans le rythme, et d’y prendre toute sa place.
- Chaque soir, au moment de s’endormir, on accepte de mourir un peu. Quelle que soit notre journée, quelles que soient nos occupations mentales, sentimentales ou sexuelles, spirituelles ou matérielles, agréables ou douloureuses, lorsque l’on « tombe » dans le sommeil, on lâche la conscience de veille pour entrer dans la conscience du sommeil. A ce propos, je me demande (et ce serait logique qu’il en soit ainsi) si certaines insomnies ne sont pas une manifestation de la peur de mourir, y compris chez des gens qui ne sont pas conscients d’entretenir cette peur. La nuit, dans la perte de contrôle, tout peut arriver. Il est assez facile de comprendre que des personnes traumatisées par ce qui s’est peut-être produit la nuit dans leur enfance par exemple, peuvent redouter l’obscurité et l’endormissement.
- Lorsque des personnes meurent, ou s’approchent de ce passage, il est intéressant de les accompagner, à la fois pour elles, et aussi pour nous. Pour s’accompagner soi-même dans les résonances intérieures que le « départ » des autres provoque en nous. Bien voir en soi, les émotions de la personne qui a peur, les émotions de ceux qui anticipent sur la tristesse à venir, et les émotions de ceux qui refusent et ressentent la rage de l’impuissance face à l’inéluctable. Voir en quoi ces émotions résonnent en soi également, et les traverser attentivement, avec beaucoup d’honnêteté, sans en rajouter, sans en perdre une miette non plus, sans les manipuler. Et puis accueillir le « vide » après le décès corporel, et bien voir la sensation physique que cela procure. Voir que quelque chose semble manquer, au point parfois d’en perdre soi-même le sens de la vie et l’envie de continuer. Comme si le soleil venait de s’éteindre. Et puis, constater peu à peu qu’en fait rien ne s’est éteint, que la vie est toujours là, que le « je suis » à l’intérieur de soi, continue de vibrer et de se manifester… Et tout est bien (mais plus jamais comme avant…)