Réaction à un feed-back : 3 niveaux de conscience

Dans cet article, nous décortiquerons le processus de désidentification de notre petit ego. Nous prendrons ici la réaction que nous pourrions avoir face à un feed-back pour analyser comment se révèle notre système de défense.

Et nous en profiterons pour dénoncer le célèbre (et néanmoins misérable) pseudo “besoin de reconnaissance”. Du point de vue de l’esprit, il n’y a pas de besoin, et certainement pas celui d’être reconnu. Vous êtes prêt à battre en brèche des idées reçues ? Allons-y !

Qu’est-ce que le feed-back ?

Le feed-back, c’est le retour d’information – qui nous nourrit (feed) en retour (back) – qui permet de connaître l’effet que nous produisons sur notre environnement.

  • Il y a d’une part ce que les autres nous disent, qui constitue ce qu’on appelle généralement le feed-back.
  • Il y a d’autre part, les situations que nous traversons et les résultats de nos actions, qui forment une seconde forme de feed-back

Il existe trois niveaux de réaction à un feed-back, 3 manières de recevoir et d’utiliser le retour des différents miroirs que la vie nous présente.

 

L’illusion à l’oeuvre dans la vie

On a tous connu des moments où on a le sentiment de réussir quelque chose : on se sent bien.

Et ce, pour deux raisons :

  • la première est juste : c’est la joie d’être authentique et bien aligné dans l’action, qui se traduit par un résultat à la mesure de la justesse de l’engagement.
  • la seconde est fausse : on croit se définir par cette réussite. Si bien que s’identifiant à tort à cette situation gratifiante, on se sent faussement bien. Je dis “faussement bien” par ce que, comme toute situation, celle-ci est à la fois partielle et éphémère :
    • partielle : on a réussi ici, mais pas forcément partout ailleurs ; Donc on se sent bien, mais pas si bien que ça…parce qu’à plein d’autres égards on aurait de quoi se sentir mal de nos échecs.
    • éphémère : on a réussi maintenant, mais cela ne va pas durer toujours. Il y aura plus tard des situations où on réussira peut-être moins bien. Qu’adviendra-t-il alors, si nous continuons à nous définir par nos résultats ? On voit qu’on ne se sentira pas bien très longtemps.

C’est à cause de cela, de ce fameux “besoin” de reconnaissance, que nous passons par des hauts et des bas (qui n’existent que dans notre tête),  et que nous nous entretenons à longueur de temps dans des faux problèmes (voir à ce propos notre article sur les “ténèbres incréées“). Parce que tant que nous obtenons suffisamment de signaux de reconnaissance positive, nous nous croyons reconnus positivement et nous nous sentons bien, tandis qu’à l’inverse, des signaux insuffisamment positifs nous font généralement nous sentir mal. Nous nous jugeons nous-même, comme si ce que nous sommes dépendait d’une réaction de l’environnement. C’est là une double erreur :

  • Il n’est pas indispensable de se juger. Et le faire n’apporte rien.
  • Les retours extérieurs ne déterminent pas forcément ce que nous sommes.
  • Nous n’avons de toutes façon accès à ces retours que par l’intermédiaire de nos interprétations, qui faussent la perception de leurs contenus. Ainsi une personne optimise et positive, interprétera plus favorablement un feed-back qu’une personne pessimiste et négative.

 

Recevoir un feed-back

De la même manière, que nos résultats nous renseignent sur l’impact de nos actes, on reçoit parfois des autres des “feed-backs”, des retours de leur part sur l’impact qu’a eu sur eux ce que nous avons fait.

  • si le feed-back est négatif, on peut se sentir diminué, critiqué, agressé même…(tout dépend à la fois de l’intention qui anime la personne qui nous offre le feed-back et de la manière dont elle le formule) ;
  • si le feed-back est positif, comme tout-à-l’heure avec la réussite, on se sent bien… parce qu’on a la faiblesse de s’identifier à l’image que la personne nous renvoie.

Il y a trois sortes de réactions à un feed-back, parce qu’il y a trois niveaux de conscience. Je souhaite partager avec vous cette triple perspective. Et j’espère que cela pourra en aider certains à :

  • mettre en évidence de façon concrète le fonctionnement de l’ego (voir à ce propos notre article : “Qu’est-ce que l’ego ?“)
  • se donner les moyens d’observer simultanément les 3 niveaux de perception.

Cela vous sera peut-être utile lorsque vous recevrez des retours, au miroir de la vie, que ce soit par vos résultats, ou par les feed-back que les autres vous renverront.

Votre expérience n’en sera que plus riche, et votre perspicacité n’en sera que plus affutée, vous serez surtout plus libre et moins dépendant des circonstances extérieures.

 

1er niveau de réaction à un feed-back

Vous estimez que ce que l’on dit de vous est intéressant. Cela vous aide à repérer comment on vous perçoit. Et donc à travers cela : à mieux vous percevoir vous-même.

Grâce à cela, vous pouvez progresser :

  • en sachant ce qui convient aux autres (dont ils vous disent que vous le faîtes bien), vous pouvez choisir de le faire davantage, pour les satisfaire (si c’est ce que vous cherchez) et pour continuer de cette manière à obtenir de la reconnaissance positive.
  • en sachant aussi ce qui ne leur convient pas, pour pouvoir vous rectifier, ajuster le tir, et ainsi vous attirer en retour des gratifications.

 

2ème niveau de réaction à un feed-back

Tout en appréciant ce qu’on vous renvoie, vous comprenez également que le feed-back ne parle pas que de vous. Avec la maturité qui provient de l’expérience, vous voyez clairement que le feed-back parle autant (voir plus) de celui qui le formule que de celui à qui il s’adresse :

  • la personne vous adresse un signe (peu importe son contenu), ce qui déjà est un témoignage de ses intentions envers vous ;
  • ensuite, le contenu traduit sa vision du monde, ses goûts, ses attentes, etc…
  • enfin, la façon dont elle formule traduit ses manières et son style.

 

Malgré les apparences, un feed-back personnel, n’a rien de si personnel :

  • Si il ne s’était pas agi de vous, mais d’une autre personne qui aurait agi comme vous, elle aurait probablement reçu quasiment le même feed-back. Le feed-back a donc plus à voir avec ce que vous avez fait qu’avec ce que vous êtes. Il n’y a donc pas lieu de s’identifier au contenu du feed-back, puisqu’il ne parle pas de vous, mais de la façon dont la personne a perçu ce que vous avez fait.
  • Si cela n’avait pas été cette personne, mais une autre ayant à peu près les mêmes caractéristiques, elle aurait probablement offert le même genre de retours. Donc, à cet égard là aussi, ce feed-back n’est pas si personnel que ça.

Vous voyez, le feed-back “personnel” est en fait en grande partie une réaction assez automatique et prévisible, de la part de gens comme cette personne envers des gens comme vous, quand ils font le genre de choses que vous avez faites. Tout cela ne dit donc pas grand chose de personnel sur vous !

 

Le feed-back parle surtout de son émetteur

D’autre part, la plupart du temps, les gens ne voient qu’eux-mêmes partout. Quand ils vous font un feed-back, vous voyez bien, et vous sentez bien qu’ils ne parlent la plupart du temps que de leurs projections… C’est leur propre ego qu’ils mettent en scène, dans leur petite pièce de théâtre personnelle, dans laquelle vous n’êtes qu’un figurant, même quand ils vous adressent un retour élogieux et vous font éventuellement de grandes déclarations positives.

D’un certain point de vue, on en n’est pas dupe : tant qu’il s’agit d’egos, tout est “bidon” dans la plupart des relations !

Cette vision n’interdit pas celle du degré de conscience précédent, elle le complète, en s’y superposant. Et ce sera aussi le cas du suivant.

Il vaut mieux disposer des 3 niveaux de lecture d’un feed-back, plutôt que d’un seul. Voir les 3 simultanément ne vous rend pas cynique, ni frustré. Cela vous rend tout simplement plus lucide. Vous ne restez pas indifférent à la réussite ou l’échec, aux compliments ou aux critiques, mais vous ne vous y identifiez pas. Vous ne vous y cherchez pas, parce que vous avez compris que vous n’y êtes pas.

 

3ème niveau de réaction à un feed-back

Enfin, le feed-back parle de l’image que l’autre se fait de vous. En fait, la plupart du temps, il ne voit que votre ego (à partir du sien d’ailleurs).

Il ne voit que l’image qu’il se crée lui-même à votre propos, qui n’a pas grand chose avec ce que vous êtes.

L’image que l’autre se fait de vous est un croisement entre :

  • ce que vous croyez être et entretenez à bouts de bras, pour vous maintenir dans une façade que vous connaissez, et qui vous rassure parce que vous y êtes habitué ;
  • et ce que l’autre projette, comme on l’a dit au paragraphe précédent

Vous n’êtes pas votre ego !

réaction à un feed-back

Donc imaginons qu’il s’agisse d’un feed-back élogieux,

En fait :

  • au premier degré, il donne l’impression de vous faire du bien…
  • au deuxième degré, il vous laisse un peu détaché (il vous sert à repérer l’ego de la personne),
  • et au troisième, il vous sert à vous désidentifier à votre ego. Vous voyez que la personne parle d’un ego, qui n’existe pas. Cela ne vous concerne pas…

Est-ce que c’est triste ? Non.

 

réaction au feed-back ?

Mais, au début, il vous manque quelque chose, vous sentez même parfois que quelque chose “s’effondre”.

Qu’est-ce qui s’effondre ?

  • ce qui vous manque, c’est l’habitude de consolider l’illusion de votre ego, en vous identifiant aux reflets tendus par les miroirs de la vie.
  • ce qui s’effondre, c’est le château de cartes de votre ego, qui est vu dans son imposture, et s’écroule, se désintègre, se dissout, s’évapore, se calcine… à l’occasion des heureuses épreuves de la vie.

 

L’ego est un système de défense…

Quelqu’un a qui on ferait part de ces réflexions sur ces 3 manières de prendre un feed-back pourrait nous répondre avec un sourire en coin : “Et si cette manière de prendre du recul était en fait une manière de se défendre ?”

Pour moi, c’est cette question qui est une réaction de défense.

En effet, c’est l’ego qui est un système de défense !

Voir l’ego dans sa vanité, et s’en détacher, c’est se libérer, ce n’est pas s’enfermer !

Vivre les situations à travers les 3 degrés de conscience superposés, n’empêche absolument pas de vivre pleinement le premier niveau de conscience “au premier degré”. Le recul vient en plus, pas à la place.

Cette prise de recul ne risque-t-elle pas de nous extraire de la vraie vie ? Au contraire, oser la vision supplémentaire que permet le 3ème degré de notre exemple est une ciselure, qui permet justement d’exposer sa vulnérabilité dans l’expérience directe (sans les filtres psycho-émotionnels habituels).

Qu’est-ce que la “vraie vie” ?

Etes-vous bien sûr que c’est la vie ordinaire, dans laquelle on ne vit que par procuration de nos pensées et enfermé dans le carcan de notre mental et l’illusion d’être un “moi” divisé et séparé ?

Soyons sérieux : ce n’est pas un système de défense que de se défaire des systèmes de défense. C’est au contraire le courage de se présenter dans la nudité de l’être profond, sans protection.

Ce genre de réactions de défense de l’ego, qu’on a tous de temps en temps, et qui consiste à renverser les choses, traduit bien l’ingéniosité de ce dernier. Nous prenant pour l’ego, nous sommes toujours en train de nous débattre pour maintenir coûte que coûte la croyance que nous sommes “séparé”. Au prix de sophismes et d’inversions logiques s’il le faut… Le mental inccanalisé est bien capable de n’importe quelle ineptie, pour éviter de voir la vérité en face, pour se défendre justement.

Mais pour défendre quoi ?

Défendre l’existence artificielle d’un ego, qui est une illusion perceptive, et qui n’existe donc même pas ? Quelle immense farce, cette vie, tout de même !

Mais quand on la voit en conscience, alors la farce est truculente, et il n’y a ni fuite, ni frustration, ni récupération par l’ego, il ya juste : Paix et Joie, Amour et Liberté.

Inutile de le crier sur les toits, on vous prendrait pour quelqu’un de “vaniteux”. C’est paradoxal, car ce qui est vain, vide, et illusoire, c’est tout l’inverse, justement.

Chacun son cheminement, et si je puis dire, “chacun est libre de ses enfermements” 🙂

 

L’utilité des miroirs

L’utilité de recevoir des feed-backs gratifiants est cependant évidente, et ils sont précieux.

  • Déjà pour ce qu’on en a dit au premier degré : les feed-back positifs aident à nous réparer des blessures de l’âme, et à rééquilibrer notre personnalité. On l’a dit ailleurs, les personnalités abîmées nous retiennent plus longtemps dépendants, que les personnalités équilibrées. Parce que la souffrance fascine la conscience. Mais, encore une fois, voyons clairement que des egos, abîmés ou réparés, ça n’existe pas. La grande psychothérapie de voie directe, c’est de le Réaliser…
  • Et puis, les feed-back sont une occasion d’exercer le mental à la discrimination (voir notre note en bas de page à propos de ce mot s’il vous plaît) et au détachement. Ils exercent ainsi la sagacité du mental. Ce qui le “purifie”. On lit trop souvent que le mental serait un adversaire à vaincre, et que l’ego serait une sorte de monstre à l’intérieur du Soi… Mais, c’est faux. En tant que formulation pédagogique, c’est un point de vue qui n’est pas dépourvu d’intérêt, mais la formulation n’en est pas moins fausse, parce que :
    • le mental est un allié quand il est purifié,
    • et l’ego n’est un ennemi que tant qu’on croit en lui.

Dès lors que l’illusion est démasquée au quotidien, elle n’est rien d’autre qu’un reflet sans consistance et donc sans incidence.

Il n’y a rien à rejeter. Tout à sa place et son utilité. Dans une perspective non duelle, il n’y a ni obstacle, ni ennemi. Au contraire, tout concourt à la Réalisation de la “Pierre Alchimique”.

On peut donc dire de la Conscience (et de l’ego qui en est un reflet) la même chose que ce que disent les charcutiers :

“Tout est bon dans le cochon !”

 


Nota : le mot “discrimination” a pris aujourd’hui une connotation négative, d’exclusion et de rejet. Mais ce qu’il signifie en fait, c’est la capacité à différencier au sein de la confusion. C’est dans ce sens que je l’emploie.