Que signifie “s’éveiller spirituellement” ? Il s’agit du réveil de l’esprit (la conscience que nous sommes) à sa véritable nature, la désidentification de soi à notre “petit moi”, en s’ouvrant à la vaste perspective de l’être profond…
Comment s’éveiller spirituellement de l’état ordinaire de veille ? Cet état n’est bien souvent qu’une forme de sommeil éveillé. En effet, il y a une sorte d’illusion perceptive, que nous allons pointer, de façon à s’en déprendre.
L’illusion ordinaire
On se trompe sur l’état de veille ordinaire, que l’on prend à tort pour un état d’éveil de la conscience :
- L’état de sommeil paraît contraint (on ne contrôle pas ce qui se passe, puisqu’on dort),
- alors que l’état de veille paraît libre, puisqu’on s’imagine en contrôle de ses choix.
Du coup, on a l’impression de reprendre le contrôle, lorsque l’on s’éveille de l’état de sommeil.
Mais à y regarder de plus près, l’état de veille est en fait beaucoup plus « contraint » que l’état de «sommeil », lequel est peut-être plus proche qu’on le croit de la vraie liberté naturelle de l’être.
La question se pose alors de savoir comment s’éveiller spirituellement de l’état de veille, de même qu’on s’éveille le matin de l’état de sommeil profond après une bonne nuit « d’inconscience » ?
Comment s’éveiller à la vraie nature de l’être profond que l’on est, à l’état de « Présence à l’instant présent » tout en étant parfaitement lucide et conscient ?
On dort debout…
On se croit libre, dans l’état ordinaire de veille, parce qu’on s’est imaginé être « quelqu’un », une personne bien identifiée, et séparée du reste du monde. (Ce monde étant lui-même constitué d’objets distincts les uns des autres).
Mais d’une part, cette vision de soi et du monde n’est qu’une représentation mentale, une croyance arbitraire et restrictive par rapport à la réalité de ce que nous sommes et de ce qui est.
D’autre part, l’état de veille dont nous faisons l’expérience n’est généralement qu’une somme de choix contraints par des conditionnements issus d’expériences antérieures. Ainsi, personne n’est libre d’aimer ce qu’il aime, ni de vouloir ce qu’il veut. Ceci vient des expériences antérieures enregistrées dans la mémoire.
Par exemple, quand nous croyons avoir une idée « personnelle » ce n’est souvent qu’une pensée qui surgit dans le champ de la conscience, et qu’arbitrairement nous nous approprions en décrétant : « ceci est mon idée, que j’ai eue, moi »… comme si nous étions l’auteur de nos pensées. Mais, à l’évidence, « nos » pensées vont et viennent à leur guise, de façon automatique et conditionnée, sans que nous puissions tellement les contrôler. Pour s’en convaincre, il suffit d’essayer maintenant de ne pas penser à ce à quoi vous pensez maintenant… Vous ne pouvez pas ! Vous pouvez essayer de penser à autre chose, et croire que vous avez choisi une nouvelle pensée. Mais ce n’est pas exact. Les pensées sont des productions autonomes du cerveau, qui travaille à votre insu de même que votre coeur bat dans votre poitrine sans votre participation volontaire.
Ainsi, de même que nous ne sommes pas l’auteur des battements de notre coeur, nous ne sommes pas non plus l’auteur des « créations mentales » de notre cerveau.
Dès lors, habituellement, notre présent est largement déterminé par notre passé. On ne peut donc pas dire que nous soyons libres, alors même qu’une forme de liberté, est tout de même bien accessible au sein de l’instant présent, au-delà des conditionnements…
Ordinairement, nous sommes pris par nos croyances, par nos mécanismes réactionnels, par nos habitudes comportementales, issues de notre histoire. Il n’y a pas tellement de liberté dans tout ça.
S’éveiller spirituellement
Il y a pourtant bien une forme de liberté quelque part (sinon le jeu ne serait pas complet, il n’y aurait pas de ressort à la vie, pas de dynamique, et finalement : pas de vie !). Mais cette liberté n’est pas accessible dans l’état de conscience ordinaire, qui ressemble plus à un état d’assoupissement et d’amoindrissement de la conscience, qu’à un état de veille à proprement parler.
On voit bien que nous sommes contraints par tous les conditionnements, qui déterminent jusqu’aux plus petites inclinations (quand on est emporté par ses pensées, débordé par ses émotions, déterminé par ses habitudes : on n’est ni libre, ni conscient).
Toutefois, on dispose tout de même d’une liberté par rapport à cet état de somnolence : on peut le constater, on peut l’observer, et reconnaître alors les limitations que nous posons nous-même à partir du fonctionnement mental ordinaire.
Le processus d’éveil
La simple constatation des conditionnements peut, à elle seule, nous réveiller spirituellement !
Dès lors, l’endormissement ne nous prend plus de la même manière. Nous ne sommes plus inconscients des conditionnements, puisqu’ils sont vus.
Le fait de regarder cet étrange phénomène de choix qui s’impose, de pensées qui émergent spontanément dans le champ de la conscience, finit par faire s’écrouler tout l’édifice mental artificiel qui perd progressivement de sa consistance et de sa rigidité.
Alors, on se rend clairement compte que ce qu’on prenait à tort pour un état de liberté et de conscience, n’était que restrictions et conditionnements. Nous étions en train de « croire » aux pensées et de nous identifier au personnage que nous pensions être (voir notre article : ” L’allégorie de la caverne de Platon“)
Se libérer de l’emprise des histoires
Nous constatons que des histoires se racontent en nous, à notre insu. Nous voyons bien que toute situation est interprétée et personnalisée.
Par exemples :
- ce n’est pas simplement que de la pluie survient, mais je suis contrarié ou heureux qu’il pleuve.
- ce n’est pas seulement un embouteillage sur la route, parce qu’aussitôt ce dernier est interprété en fonction de “moi” : “moi” qui s’ennuie, s’impatiente ou va finir par arriver en retard…
- ce n’est pas une simple rose dans le jardin, c’est le parfum que j’aime ou que je n’aime pas,
- etc…
Ainsi, nous ne sommes pas libres de choisir nos pensées et nos émotions, mais nous sommes relativement libres de ne pas partir avec, et de ne pas croire à leur contenu.
On peut choisir de reconnaître que ce qui se joue à l’avant plan de la conscience n’est qu’une histoire de plus : « OK, une histoire se raconte, mais ce n’est qu’une histoire ! ». Voir aussi cet article complémentaire : “Qu’est-ce que l’ego ?”
L’histoire du petit chaperon rouge
Quand on lit l’histoire du petit chaperon rouge par exemple, on sait que c’est une histoire, et on n’a pas peur, on n’est pas pris par elle, au point de se prendre pour le loup, la grand-mère ou la petite fille. On reste en dehors, tout en s’identifiant tour à tour à tous les protagonistes, qui évoquent différents aspects de notre expérience.
Les pensées que nous entretenons à notre insu à propos de l’expérience en train d’être vécue, ne sont pas autre chose que des histoires, comme celle du chaperon rouge.
Mais on croit au contenu des pensées qui tournent toutes seules dans nos têtes. On croit qu’il y a un “moi” qui serait au coeur de l’histoire, que nous serions ce personnage à qui arrive l’histoire.
Et, de surcroît, on se raconte que tout cela est évidemment très grave…
On pourrait en rire de bon coeur, si on voyait le processus au lieu de se croire si misérable, pris dans l’histoire.
S’éveiller spirituellement est naturel et simple
A propos d’éveil, certains témoignent d’expériences fulgurantes. C’est sans doute possible, pourquoi pas. Mais un éveil discret et progressif est tout aussi authentique.
A ce sujet, le témoignage de Rupert Spira est plutôt intéressant.
Fantasmes d’éveil
Il est dangereux de se projeter avec l’imaginaire sur un fantasme d’ « éveil », de « satori », de « samadhi», ou d’ “expérience d’Unité » (comme le disait Karlfried Graf Dürkheim). Ces représentations sont toujours envisagées comme plus ou moins « extraordinaires »… Le risque serait d’essayer malgré soi de « créer » mentalement cette expérience. Or l’éveil spirituel n’est pas une expérience mentale. Donc, le processus naturel d’éveil risque plutôt d’être empêché de survenir de lui-même, si on cherche à le susciter avec son mental.
Si nous devons être touché par l’« éveil spirituel », ce réveil de la conscience, libre par essence, se présente forcément de soi-même, sous une forme inédite, toujours différente d’une fois sur l’autre, et toujours différente de ce qu’en ont vécu et raconté d’autres. Il n’y a donc pas à « essayer » de s’éveiller spirituellement, et encore moins à visualiser ce que serait une “expérience d’éveil”.
Cet éveil est la conscience de soi, en tant que champ de conscience au sein duquel émergent les pensées.
Les pensées peuvent éventuellement décrire l’éveil, comme un doigt pointe vers la lune sans parvenir à la toucher. Mais les mots ne peuvent pas l’exprimer, et donc : encore moins le susciter.
S’éveiller spirituellement n’est pas une expérience exotique ou excitante (ça ce sont des tentatives de récupération du mental). Il s’agit d’une ouverture naturelle à ce qui est, une ouverture étonnée et passionnée à la vie que nous sommes.
Pratiques spirituelles et éveil spirituel
L’Unité ne se trouve pas dans les sables de la dualité.(voir à ce propos cet article complémentaire à celui-ci, sur les ténèbres incréées.)
Dès lors qu’il y a intention, attente, projet, il y a vouloir. Et cette volonté vient des mécanismes de la mémoire conditionnée, projetée sur un futur hypothétique. Il n’y a donc toujours pas de fraîcheur et de nouveauté : ce n’est que du mental qui tourne en rond sur lui-même.
Les pratiques spirituelles comme la prière ou la méditation, ne permettent donc pas de s’éveiller spirituellement.
En revanche elles peuvent être une expression de l’éveil spirituel !
Les pratiques spirituelles ne servent pas à atteindre l’éveil : en fait, elles ne servent qu’à le célébrer !
- Du coup, on ne devrait peut-être pas prier pour demander (d’ailleurs : demander quoi et à qui , et à quel titre, avec quelle pertinence et légitimité ?) mais plutôt pour remercier (remercier le Tout, pour tout)…
- On médite parce qu’on est déjà éveillé et qu’on aime contempler ce qui est là. La contemplation ne cherche rien (cette recherche nous éloignerait encore de ce qui est là). En revanche, ce sont justement les prémisses de l’éveil qui poussent à méditer, pour mieux apprécier ce dont nous n’avons encore que le pressentiment.
Méditer pour rien
S’il doit y avoir méditation, ce n’est pas « POUR » s’éveiller spirituellement, mais plutôt : « PAR » intérêt passionné pour ce qui est déjà là.
On médite pour la joie de méditer :
- On ne cherche pas à tenir une posture, on se donne à une pause.
- On ne respire pas non plus d’une certaine façon, on ne concentre pas non plus son attention d’une certaine manière, car ce sont là des restrictions.
En revanche, on se rend disponible à travers une posture corporelle du corps et du mental qui y prédispose. On apprécie ce qui est là, tranquillement, sans recherche, sans autre intention que d’accueillir ce qui est déjà là, dans le champ de la conscience…
La seule manière de s’éveiller spirituellement maintenant (et non pas un jour quand vous serez suffisamment entraîné, parce que ce jour n’arrivera jamais tant que vous le chercherez ailleurs que maintenant), c’est de regarder ce qui est là, en soi, tout de suite.
Regarder sans juger, sans commenter, sans classer. Et comme ceci est presque impossible, il reste la possibilité de regarder le mécanisme mental : Comment l’ego s’ingénie à récupérer l’expérience du réel, qui le transforme pour en faire sa « réalité en boite ».
Voir cela c’est s’ouvrir à l’état de lucidité et d’honnêteté, sans intention, sans projection.
Voici une autre vidéo, témoignage d’une personne sympathique et sincère, qui partage sa réflexion à propos de ce qu’est l’éveil, c’est quoi s’éveiller spirituellement…
Petit dialogue et raccourci synthétique
Une bonne question spirituelle pourrait être : “Que cherches-tu ?”
Réponse possible :
- La lumière, la liberté, la vérité, la joie, la paix, etc…
Derrière ces grands mots, il y en a de plus modestes et tout aussi authentiques, tout en étant plus proches, tels que :
- “Je voudrais être heureux”
Nota : être heureux n’est pas à confondre avec “plus de plaisir et moins de douleur”. Nous y reviendrons sûrement plus tard, mais pour l’heure nous ne nous attarderons pas à cette nuance importante et nous contenterons de la signaler, juste pour attirer votre attention et que vous ne commettiez pas cette confusion.
Et, quelles sont les conditions à réunir pour que tu te sentes heureux de la sorte ?
- Réponses diverses selon les personnes.
Question suivante : Et quand ces conditions de bonheur seront réunies, que se passera-t-il de différent et de meilleur ?
- Réponse : ” Je me sentirais bien, en paix, tranquille…”
Conclusion : OK, et donc à ce compte là, pourquoi attendre que des conditions soient réunies, alors que la tranquillité est accessible dès maintenant, sans condition ?
Il suffit de cesser de s’agiter…
Comment ?
Mais simplement en acceptant de voir les agitations, sans y prendre part, sans avoir la prétention de les juger ou de les manipuler. Juste les voir… affectueusement ! Comme s’il s’agissait de nos enfants, turbulents mais bien aimés (et oui, on les aime forcément. Pourquoi ? Mais pour la même raison qu’on aime nos enfants, parce que ce sont les nôtres et qu’on n’en a pas d’autres. C’est tout et c’est bien suffisant 🙂
Dès lors que ce regard affectueux et non jugeant est disposé en soi sur les différentes parties de soi, la paix émerge d’elle-même de l’Unité.
Et il n’y a pas long pour que cette paix se mette à pétiller pour se transformer en joie. La joie d’être, ou la joie de n’être rien de spécial (ce qui revient au même).
S’effacer au profit du dynamisme de la Vie
Beaucoup d’entre nous cherchons à nous améliorer, c’est-à-dire à tendre vers plus de transparence à notre être Essentiel.
Mais voyons clairement qu’il y a deux polarités, et même une troisième :
- D’abord il y a, à l’avant plan comme on dit, la personne, le “moi” auquel on s’identifie (un corps, une histoire, un caractère, tout une collection de choses éparses sans cohérence, agrégées ensemble artificiellement par le mental. C’est ce qu’on appelle l’ego, l’illusion d’un “moi” séparé)
- A l’arrière plan, on ne tarde pas à découvrir la conscience impersonnelle, que rien n’altère.
L’une et l’autre de ces deux polarités ne peuvent ni progresser, ni s’éveiller :
- la personnalité n’existe pas vraiment : comment des pensées éparses à propos de ce que je suis sensé être pourraient s’éveiller ? Des pensées ne sont pas une entité. Des pensées ne peuvent donc pas s’éveiller 🙂
- quant à la conscience impersonnelle, immaculée, elle est au-delà de la dualité. Elle déborde du temps et de l’espace finis. Elle ne peut donc pas progresser, étant déjà absolue.
Alors qu’est-ce qui s’éveille ?
Tandis que l’identification à la personne s’estompe, et que la conscience plénière se diffuse, il y a un dynamisme de la vie qui s’épanouit sans obstruction. Il s’agit de l’individualité derrière l’illusion de la personnalité. Un peu comme un liquide ou un gaz qui se répand, naturellement. C’est dynamique, cela progresse, mais cette “Présence” qui dit “Je suis” n’est pas personnelle, elle est sans corps, et sans histoire, même si elle s’exprime depuis un corps, à travers le fonctionnement d’un coeur et d’un cerveau particuliers.
On pourrait tout aussi bien dire qu’elle s’épanouit que dire qu’elle a toujours été là. Ce n’est plus alors qu’une question de point de vue, relatif ou absolu dans l’Unité absolue.
Se poser la question de l’existence de l’individualité, c’est comme se demander si les rayons du soleil existent séparément du soleil. Les rayons (individuels) du soleil sont le soleil lui-même, tout autant que les vagues sont l’océan. C’est tout…
La rose du Petit Prince de St Exupéry n’est différente des autres roses, que dans la forme temporaire, mais ce sont toutes des fleurs, et elles sont de même nature : leur essence est la même. Chacune d’entre elles est une expression de la Rose éternelle…
Dans un autre article, nous verrons qu’au centre de la conscience du Fils (le Cône), il y a la conscience du Père (la Sphère), car l’un et l’autre partagent un même centre.
4 commentaires sur « S’éveiller spirituellement de l’état de veille »
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